Jacques Mignard était le délégué CGT de l’usine AZF à Toulouse où il était chargé, en plus de son mandat, de l’animation sécurité. Les frères Mignard sont, dans les milieux de gauche, et plus si affinité, à Toulouse, des militants de longue date que ce soit au sein du PS ou dans le monde syndical. Depuis la catastrop
he, Jacques est le Président de l’Association AZF Mémoire et Solidarité et a pris quelques distances avec une certaine gauche, trop bien pensante à son goût. Son goût pour la vérité est celui des adhérents de son association, il n’a pas de théorie sur ce qui a pu se passer ce
21 septembre mais peine à croire à la thèse soutenue par l’accusation. Cette semaine, lors du procès, cette association a été au centre d’une polémique, voire même d’une remise en cause de la procédure pénale, puisque le Procureur, Patrice Michel, a dénoncé la position de ces parties civiles qui ne soutiennent pas l’accusation, oubliant sans doute un peu rapidement que parmi les membres de cette association certains ont perdu beaucoup plus que des biens matériels mais des proches ou des amis. Il semblait donc équitable que le Président Mignard puisse répondre aux différentes accusations qui ont été portées.
Votre association est au centre de bien des débats, certains y voient une émanation de la défense ?
Jacques Mignard : Nous sommes essentiellement des anciens salariés de l’usine Grande Paroisse à Toulouse. Lorsque la catastrophe est arrivée la plupart d’entre nous était sur le site. Notre usine nous la connaissions et même si certains peuvent décrire des inquiétudes, je pense me faire le porte-parole du plus grand nombre en disant que n’allions pas travailler avec la peur au ventre. Le matin du 21 septembre n’a pas été différent des autres, avant 10h17. Nos collègues qui ont travaillé, ce matin-là, à proximité ou dans le hangar 221 n’ont rien remarqué de particulier, aucune odeur, aucun son, rien de particulièrement suspect. Quelques jours après la catastrophe le procureur Bréard vient dire qu’il s’agit d’un accident et nous désigne à la vindicte publique. Nous avons constitué cette association non pas dans le but de défendre qui que ce soit mais pour être acteurs de cette affaire qui nous concerne. Il faut également le dire c’est aussi une manière de ne pas rester seul alors que lors de ce drame nous avons perdu des collègues, des amis et nos emplois. Nous ne sommes pas les agents de Total ou de Grande Paroisse dans cette affaire nous sommes seulement des demandeurs de vérité mais nous serons des demandeurs exigeants. Je tiens aussi à préciser que notre raison d’exister n’est pas seulement le procès AZF, nous continuerons d’exister une fois le procès terminé.
Certains de vos détracteurs disent que vous avez fait une enquête dans la rue, est-ce vrai ?
JM : Le Procureur et certains avocats de parties civiles critiquent aujourd’hui cette démarche mais lorsque nous discutions avec les Toulousains nous avions l’impression que nombreux étaient ceux qui avaient des doutes sur les explications qui semblaient être avancées par
la justice. Nous étions partie civile et nous nous sommes rendu compte assez rapidement que beaucoup de personnes, y compris des collègues n’avaient pas été entendues, alors qu’elles avaient des choses intéressantes à dire. Nous nous sommes alors dits qu’il était important de donner une occasion à tous les Toulousains qui le souhaitaient de venir nous dire ce qu’ils avaient vus et perçu. Cet appel à témoin a donné des résultats inespérés, l’association a été submergée de coups de fil, nous avons écouté toutes ces personnes puis nous avons remis les témoignages les plus intéressants à la Police. Il n’était pas dans notre idée de gêner l’enquête comme cela a été sous-entendu au procès par certains avocats qui ne recherchent pas la vérité mais veulent des condamnations, nous ne sommes pas dans cette démarche.
Cette semaine vous avez fait citer devant le tribunal correctionnel de nombreux témoins, avant leur audition le Président Le Monnyer a insisté sur la faiblesse du témoignage dans ce qu’il avait d’humain. Qu’avez-vous pensé de cette introduction que certains ont ressentie comme une défiance vis-à-vis des témoins ? Pensez-vous que ces témoignages auront permis de modifier le point de vue du tribunal ?
JM : Nous avons été désagréablement surpris par le préambule de Thomas Le Monnyer en amont de l’audition des témoins que nous avons demandé à faire citer. Déclarer qu’il « faut savoir que la question du témoignage est abondamment travaillé par les psychologues » c’est déjà un avertissement qui n’est pas neutre. Evoquer dans le même temps une étude intitulée « Témoins sous influence », c’est en rajouter inutilement. En conclure que « cette question des témoignages, qui intéressent tout le monde, c’est difficile pour le tribunal d’en donner une appréciation » c’est déjà anticiper sur une décision qui donne l’impression d’avoir été déjà prise. Ce n’est pas ce que nous attendons de la justice. Comment pouvez-vous dire que vous n’êtes pas mandaté par Total alors que le groupe vous a financé ?
JM : C’est une critique qui nous est faite souvent et je m’en suis déjà expliqué au procès. Lorsque l’usine a été fermée après la catastrophe, nous nous sommes organisés en association. Comme le veut la loi lorsqu’il y a une fermeture de site, Grande Paroisse a reversé à l’association des anciens salariés les sommes qui étaient détenues par le comité d’établissement soit environ 200 000 euros. Le reste de nos revenus vient des cotisations de nos presque 700 membres. Mais nous ne roulons pas sur l’or pour autant puisqu’outre les frais que nous avons engagés depuis 7 ans pour le procès, nous organisons aussi pour les adhérents des activités culturelles, amicales comme l’aurait fait notre CE si AZF n’avait pas cessé d’exister.
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